Dystrophie de Stargardt : le point sur les avancées thérapeutiques

Plume de paon - image Pixabay

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  1. Dystrophie de Stargardt : le point sur les avancées thérapeutiques
  2. Correction du défaut génétique (thérapie génique)
  3. Neutralisation de l'action pro-inflammatoire et pro-atrophiante du complément
  4. Diminution de l'accumulation de métabolites toxiques (pharmacothérapie)
  5. Apporter des cellules de l'épithélium pigmentaire saines (thérapie cellulaire)
  6. Thérapeutique du futur

La dystrophie maculaire de Stargardt (DMS) est de loin la plus fréquente des maculopathies d’origine génétique avec une incidence estimée à 1 cas pour 100 000 individus par an aux Etats-Unis. En France, il est estimé qu’environ 8000 à 10 000 personnes sont touchées par cette affection.

En quelques années, une maladie autrefois « orpheline » a vu s’ouvrir la perspective de stratégies thérapeutiques diverses, en partie grâce aux progrès réalisés par la génétique moléculaire.

En effet, d’un point de vue diagnostique d’abord, les techniques de séquençage les plus récentes ont permis de mettre en évidence les mutations bialléliques causales dans ABCA4 dans 70 à 80% des cas, contre environ 50 à 60% autrefois. De nombreux patients ont en effet un diagnostic de maladie de Stargardt « clinique » avec seulement une mais parfois aucune mutation allélique dans ABCA4. Une stratégie de mise en évidence d’éventuelles mutations introniques (dans l’ADN non codant) par l’utilisation d’un séquençage « pleine longueur » du gène a permis à des équipes belges, allemandes et néerlandaises d’élargir encore le spectre des mutations responsables de la maladie de Stargardt.

Le diagnostic moléculaire de la maladie de Stargardt est aujourd’hui très performant.

Au plan thérapeutique, les stratégies de correction de ce défaut génétique et de ses répercussions moléculaires et cellulaires sont diverses.

Correction du défaut génétique (thérapie génique)

Une démarche de correction du gène défectueux et d’apport aux cellules d’un gène ABCA4 non muté semble logique. Cependant l’administration d’un gène et son intégration dans la cellule posent des difficultés techniques et matérielle, le gène est trop grand pour les vecteurs viraux classiques menant à des stratégies de division du matériel génétique en deux moitiés ou d’utilisation de vecteurs viraux moins communs (lentivirus au lieu de l’adénovirus). L’essai StarGen™ a débuté en juin 2011 dans cette optique. Cette stratégie nécessite une chirurgie délicate pour apporter le gène sous la rétine malade.

D’autres méthodes de distribution du gène ABCA4 non muté par nanoparticules, ADN nu, liposomes sont en cours de développement.

Neutralisation de l’action pro-inflammatoire et pro-atrophiante du complément

Un des effecteurs identifiés de l’atrophie maculaire est le système du complément. Se fondant sur la mise en évidence de l’implication de plusieurs gènes de ce système (CFH et C3) dans la survenue de la DMLA, certains chercheurs se sont proposés se cibler l’un de ces facteurs du complément dans la DMLA atrophique (lampalizumab). À l’instar de cette stratégie, un essai est en cours pour évaluer l’inhibition d’un autre facteur du complément (C5) afin de ralentir la progression de l’atrophie au cours de la maladie de Stargardt : c’est l’essai Zimura (avacincaptad pegol) en phase 2a. Ce traitement est administré en injections intravitréennes tous les quinze jours. Les critères d’inclusion reposent principalement sur l’OCT et l’autofluorescence (formes précoces).

Diminution de l’accumulation de métabolites toxiques (pharmacothérapie)

Le principal effet délétère de présenter une mutation biallélique dans ABCA4 est l’accumulation de métabolites toxiques de la vitamine A (rétinol) au premier rang desquels l’A2E (N-retinylidene-N-retinylethanolamine). Une fois encore, cette molécule a été incriminée dans la progression dans la DMLA puisqu’elle a été associée à l’inflammation, la mort cellulaire et au raccourcissement télomérique. De nombreuses initiatives biochimiques ont permis de produire des dérivés synthétiques de la vitamine A qui permettent l’activation du cycle visuel en produisant moins d’A2E. Ces molécules sont le Fenretinide, ALK-001 et A1120. L’emixustat (Acucela) fait l’objet d’une étude en phase 3 :

https://www.acucela.com/pipeline/development/stargardt/index.html

Les critères d’inclusion sont moins stricts que pour le Zimura. L’effet attendu est une stabilisation sans régénérer la rétine déjà atrophiée. L’intérêt de cette thérapeutique est qu’elle ne dépend pas de la nature des mutations causales dans ABCA4.

Apporter des cellules de l’épithélium pigmentaire saines (thérapie cellulaire)

Cette stratégie est comparable à celle qui a été employée dans la DMLA, une fois encore : il s’agit cette fois de régénérer un épithélium pigmentaire malade en apportant des cellules fonctionnelles capables d’assurer la fonction de recyclage des dérivés de la vitamine A. Ces cellules-souche peuvent être issues de cellules-souche embryonnaires humaines ou reprogrammées à partir de fibroblastes (prélèvement cutané) du patient. Les études précliniques de greffe d’épithélium pigmentaire rétinien chez la souris ont montré une intégration correcte du tissu. Un essai de phase I/II a déjà été conduit et est actuellement élargi à un plus grand nombre de patients, dans plusieurs centres (il s’agit de l’essai NCT02445612 sur clinicaltrials.org). Cette stratégie peut sembler plus invasive que les autres : elle implique une chirurgie lourde et délicate, et un traitement immunosuppresseur pour ne pas rejeter la greffe d’épithélium pigmentaire.

On peut citer également l’oligothérapie antisens (OAN) dans les mutations introniques profondes causales (concernant sans doute un petit nombre de patients), qui a déjà fait ses preuves dans les maculopathies liées à CEP290.

La stratégie d’implant rétinien développée par Pixium et SecondSight concerne plutôt les patients atteints des formes les plus sévères avec une acuité résiduelle limitée à une perception lumineuse, ce qui est extrêmement rare dans la maladie de Stargardt.

Les mesures associées doivent bien sûr être mentionnées : éviter l’effet toxique du tabac pour la macula, la phototoxicité, apporter des nutriments appropriés sans excès de vitamine A.

Thérapeutique du futur

Rien ne dit que le futur dans la thérapeutique de la maladie de Stargardt ne soit univoque. On peut très bien imaginer une combinaison de thérapeutiques selon la forme clinique présentée par les patients. La recherche scientifique fondamentale et clinique est très dynamique dans ce domaine.

De nombreux traitements sont développés actuellement pour la maladie de Stargardt avec des stratégies différentes, parfois complémentaires. Il est donc important d’être examiné dans un centre expert de cette affection afin de juger des possibilités d’inclusion dans un essai clinique.

Rappelons l’intérêt pour les patients de faire entendre leur voix et de pouvoir parler de leur parcours, de leurs attentes, de leurs espoirs auprès d’une association dédiée à leur maladie : la fondation Stargardt présidée par Denis Cayet : https://www.stargardt.fr/

Pour en savoir plus :

Lu, L.J., Liu, J. & Adelman, R.A. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol (2017) 255: 1057. https://doi.org/10.1007/s00417-017-3619-8

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  2. Correction du défaut génétique (thérapie génique)
  3. Neutralisation de l'action pro-inflammatoire et pro-atrophiante du complément
  4. Diminution de l'accumulation de métabolites toxiques (pharmacothérapie)
  5. Apporter des cellules de l'épithélium pigmentaire saines (thérapie cellulaire)
  6. Thérapeutique du futur